La richesse et la grande variété des whiskies écossais sont obtenues grâce aux échanges de productions entre les nombreuses distilleries, chacune produisant majoritairement un type de single malt.
Au Japon, c'est l'inverse, il y a beaucoup moins de producteurs et cet isolement les a poussé à produire dans chaque distillerie une très grande variété de single malts. Les distilleries japonaises, malgré leur faible nombre, peuvent produire presque autant de single malts différents qu'il en existe en Ecosse. Par exemple, la distillerie de Yamazaki peut à elle seule en produire plus d'une soixantaine aux caractéristiques bien distinctes et qui, assemblés entres eux, permettent à Suntory de produire un grand nombre de whiskies.
Le whisky japonais s'est développé autour de deux grandes marques concurrentes Suntory et Nikka, ce qui peut aussi expliquer aujourd'hui cet absence d'échanges entre producteurs japonais. Depuis plus de 90 ans, chacun dans leur coin, ils se sont appropriés le savoir-faire traditionnel écossais pour le sublimer et produire les meilleurs whiskies du monde.
Pour obtenir cette grande variété de single malts, les producteurs japonais n'hésitent pas à utiliser tous les moyens disponibles à chaque étape de la fabrication du whisky, mais aussi multiplient les expériences comme par exemple Nikka qui distille de l'orge maltée dans des alambics Coffey habituellement réservés à la distillation du whisky de grain.
Lors de la fermentation, ils utilisent une grande variété de levures aux caractéristiques différentes et parfois cultivent leurs propres souches voire même créent la leur comme Suntory et son lactobacillus suntoryeus.
De plus, les distilleries japonaises sont équipées d'alambics de formes et de tailles variées qui vont permettre de produire des single malts aux caractères bien distincts, à l'inverse des distilleries écossaises où les alambics ont généralement la même forme et la même taille.
Enfin, tous les types de fûts de tailles et d'origines diverses disponibles pour l'industrie du whisky, sont utilisés pour le vieillissement des whiskies japonais comme les célèbres sherry casks en chêne européen, bourbon barrels en chêne américain ou encore le très rare mizunara cask élaboré à partir d'une variété de chêne endémique au Japon.
Avec cette grande richesse, les producteurs japonais produisent aussi bien des single malts que des blends ou bien encore des blended malts, et sont passés maîtres dans l'art de la distillation et de l'assemblage. Ils voient le fruit de leur travail régulièrement récompensé depuis les quinze dernières années, avec par exemple plusieurs titres de "distillateur de l'année" remportés par Suntory.
L'eau étant un des éléments essentiels dans la fabrication du whisky, la plupart des distilleries japonaises ont été construites dans des régions naturelles préservées où l'eau abondante est reconnue pour sa pureté. Certaines, comme Yamazaki, possèdent même leur propre source d'eau. Ainsi, au travers de la pureté de ses eaux le Japon exprime tout son terroir qui selon certains participe pleinement au caractère si spécifique des whiskies japonais.
Autre spécificité du whisky japonais, la distillation à basse pression qui n'est possible que lorsque la distillerie est implantée en hauteur. Le Japon possède trois des distilleries les plus haute du monde ; Karuizawa, aujourd'hui fermée, Hakushu et Mars Shinshu situées entre 700 et 800 mètres d'altitude ce qui permet une distillation à basse pression naturelle partielle.
Pour comprendre, il faut savoir que la température du point d'ébullition (100°C au niveau de la mer ) varie en fonction de la pression, ainsi plus l'altitude augmente plus la pression diminue et par conséquence plus la température d'ébullition baisse.
Cette distillation à basse pression permet la conservation d'un plus grand nombre d'arômes ainsi qu'une texture plus fine et plus légère. Aujourd'hui, quelques distilleries à travers le monde utilisent des alambics pressurisés afin de reproduire la distillation à basse pression, également moins coûteuse en énergie.
Différence subtile mais néanmoins intéressante, on pourrait penser que les japonais utilisent de l'orge cultivée au Japon pour la fabrication de leur whisky. Mais en réalité les variétés cultivées sur l'archipel ne sont pas adaptées à la production de whisky. Ainsi, la quasi totalité de l'orge est importée d'Ecosse, à la différence des écossais qui utilisent majoritairement de l'orge importée d'Allemagne, de Pologne ou bien encore des Etats-Unis.
Comme le whisky américain, filtré au travers d'une couche de charbon, quelques producteurs japonais filtrent le whisky dans du bambou. Cette pratique peu courante à tendance à disparaître, mais sert principalement à la purification du whisky et à son enrichissement.
Le respect des japonais pour la tradition va donc jusqu'à utiliser de l'orge écossaise et importer des alambics traditionnels fabriqués en Ecosse. On pourrait presque dire que le whisky japonais est à la fois typiquement écossais et typiquement japonais. En réalité, c'est la créativité, la méticulosité, l'appropriation du savoir-faire et le respect des traditions qui font aujourd'hui du whisky japonais l'un des meilleurs au monde.