Avant 1950, la culture de la vigne était très importante : 20 000 Ha, pour moins de 3 000 Ha maintenant. Son climat et ses coteaux privilégiés ont favorisé cette culture dès le début de notre ère. Columelle dans son traité d'agronomie, "De re agricola", cite que les romains ont trouvés la vigne à leur arrivée en Allobrogie en -120 ans av. JC. Pline et Celce parlent aussi de la "Vitis Allobrogica". Vers le 5ème siècle apparaissent les domaines ecclésiastiques (évêchés, abbayes, prieurés). Ils appartiennent à la noblesse et à la bourgeoisie vers le 14ème pour passer à la paysannerie au 19ème siècle. Les coteaux de Cevins et de Saint Pierre de Soucy ont ce parcours classique de la vigne en Savoie.
S'il apparaît aujourd'hui que les paysages savoyards figurent parmi les plus exceptionnels de notre patrimoine national, alors Cevins peut s'enorgueillir d'avoir su in extremis, à la charnière de deux siècles, sauvegarder son coteau façonné par plus de dix siècles d'histoire. Si bien sûr, un Cevinois ne manquera jamais d'évoquer nos fameuses ardoisières qui ont transmis leur nom à notre vignoble, il reviendra immanquablement à son paysage préféré : ce verrou glaciaire orienté plein sud, tout en murets de pierre sèches et ponctué de magnifiques sartos (petites cabanes en pierres sèches), couvert de vignes et qui lui parle plus que tout autre lieu de sa propre histoire. Les terres du calvaire « admirablement travaillés » pour reprendre une phrase de Raoul Blanchard, n'étaient pas qu'un outil de travail parmi d'autres mais un bien privé familial qui appartenaient à leur patrimoine collectif.
C'est pourquoi, depuis les ardoises qui couvrent le musée du Louvre jusqu'à la mondeuse blanche qui fleurit désormais en secret, chaque Cevinois sait bien que c'est l'histoire de son village qui continue.
Comment un vignoble probablement bimillénaire, dûment attesté depuis le Xème siècle, a-t-il pu disparaître ?
Recensant les raisons du déclin du vignoble de Savoie, Maurice Messiez, auteur d'une thèse « Les vignobles du Pays du Mont-Blanc » (1998), évoque tour à tour le phylloxéra, l'introduction d'hybrides médiocres, la présence ancienne de l'industrialisation, l'absence de perspectives touristiques de l'époque et une certaine déshérence affective pour les vins, boissons ordinaire. Mais, « malgré la situation exceptionnelle à Cevins plus propice à la vigne que certains fonds de coteaux de la Combe ou de la Cluse » le vignoble cevinois a disparu à cause du mitage extrême du parcellaire, de la disparition de la double activité qui a porté le vignoble une génération, et enfin la spirale de la déprise agricole : les parcelles qui tombent en friches créent des nuisances pour les parcelles voisines.
Au XIXe siècle, apogée du vignoble de Savoie, cette zone viticole située sur la rive gauche de l'Isère, occupait une place très importante. Quelques vignerons produisaient alors à cette époque des vins blancs "au bouquet délicieux" pouvant même "rivaliser avec les Graves et les Chablis".
L'ouvrage réalisé par Mas et Puliat, intitulé Le vignoble et publié à Paris en 1876-1877, cite :"... C'est surtout sous le nom de Barbin que la Roussanne se cultive en grand sur la rive gauche de l'Isère, au-delà de Montmélian, à St Pierre de Soucy et principalement à Villard-d'Héry qui a donné son nom aux vins de Barbin récoltés dans cette contrée depuis que Monsieur le baron d'Alexandry (propriétaire du château de Montchabot à Villard-d'Héry) y a mis en relief ce cépage en étendant sa culture et en donnant au vin qu'elle produit tous les soins recommandés par les meilleurs oenologues".